Author: Soune

Je me souviens encor de ce lit, de ces murs,
Qui ont vu flamboyer mes passions juvéniles
Et la nuit alourdie de soupirs, de murmures,
Où nos amours furent fertiles

Je me rappelle du bonheur tout hormonal
Qui m’inondait dans ces heures ou désemparée,
Navrée, perdue dans des raisonnements bancals
J’ai tant désiré continuer

Je me souviens de la détresse et la douleur
Accompagnant les flots continus de mon sang
Dans lesquels sont parties tandis qu’hurlait mon cœur
Les cellules de mon enfant

Je me souviens de cet isolement terrible
Où mes déchirements se sont cristallisés,
Sanglot après sanglot, en un vide sensible
Qui ne sera jamais comblé

Dans la nuit glaciale, de la brune à l’aurore,
Il contemple, muet, l’horizon étoilé,
Les constellations paresseuses éclore
Ou les jeux de lumière sur la neige moirée
Comme passe la lune aux sommets acérés.

Il s’élance parfois depuis les hautes cimes
Et se laisse planer au-dessus des forêts ;
Les bourrasques gelées qui montent de l’abîme
Plaquent contre sa peau son costume de jais
Et ces perturbations le distraient et l’égaient.

Il savoure le chant du vent dans les pinèdes,
Inspire avec bonheur les parfums résineux,
Admire, fier et béat, ce pays qu’il possède,
Magnifique et sauvage, grandiose et silencieux,
Qu’il domine bien plus qu’un monarque ou qu’un dieu.

Enfin, comblé d’avoir contrôlé ses trésors,
Dans l’heure précédant le déclin de la nuit
Il s’en va souriant faire régner la mort,
Dans l’infortuné bourg qui a été choisi,
Et se repaît de sang, de douleur et de cris.

Elle songe, presque figée,
De longs frissons secouent son corps ;
Tantôt une goutte gelée
Vient strier ses joues incolores
Son souffle se fait saccadé.

Elle paraît toute hébétée
Par le chagrin qui la dévore,
N’ayant plus rien à espérer,
Hors d’atteinte du réconfort
– Petite femme au cœur brisé.

Juillet est si lointain et j’ai faim de chaleur !
Je glisse sous les jets d’une douche brûlante
Et me prends à rêver que la nuit tombante
S’enfuie en un instant, que s’estompent les heures ;

Je voudrais en sortir au plein cœur de l’été,
Du soleil dans les yeux, succinctement vêtue,
Te trouver à mon seuil sans t’avoir attendu
Et d’une ardente étreinte t’inviter à entrer.

Je suis une curieuse amie :
Me réjouir serait normal
Quand je te vois qui lui souris
Et pourtant le cœur m’a fait mal.

Tu es là, debout devant moi ;
Soudain, m’emporte le désir
De te serrer entre mes bras
– Passer les heures à venir

Contre ta peau, les sens en feu,
Mes mains parcourant tout ton corps,
Tes lèvres étouffant mes aveux
Et t’enlacer jusqu’à l’aurore –

Elle allait en silence au milieu de la nuit,
Sa silhouette sous la lune presque pleine
Paraissait un fantôme dans la ville sereine ;
Son esprit ivre encor de remous et de bruit
Combattait en vain sa sourde mélancolie.

Les lumières nocturnes faisaient étinceler
Les ondulations des flots de la Garonne
Alors que s’y coula la malheureuse atone.
Rêvait-elle que l’eau parviendrait à calmer
Son cœur toujours en feu via ses poumons noyés ?

Elle aimait à danser sur la crête des monts ;
Ses boucles tournoyaient sur sa nuque et son dos
Et au fil de ses pas, les sauts de son jupon
Permettaient au soleil de réchauffer sa peau.

Sur la rosée givrée, sous la brise vernale,
Dans la lourde chaleur des soirées de moissons
Ou bien enveloppée de brumes automnales
Elle virevoltait, preste et sans prétention.

Le visage radieux, cœur et esprit légers,
Chaque jour elle quittait le foyer familial ;
Les voisins souriaient en la voyant passer,
De l’aurore à complies, parfois sous les étoiles,

Et lors des jours paisibles, si le temps était beau,
Les villageois souvent s’en venaient l’admirer
Et se réjouir devant le délicieux tableau
Des gestes gracieux de l’alerte beauté.

Pendant l’an qui s’achève
Mes yeux se sont ternis ;
Est-ce la mort d’un rêve
Qui m’a ainsi vieillie ?

Comme le temps s’élance
Dans la douceur du soir,
Je respire en silence
Sans haine et sans espoir.

Je vagabondais seule en la forêt obscure,
Mes pas sur le chemin ne faisant aucun bruit
De peur de perturber le calme de la nuit
Qui donne à toutes choses une tout autre allure

Et les bois somnolents m’observaient, impassibles ;
Parfois un bruissement de feuilles desséchées,
Tantôt un craquement, venaient me rappeler
Que j’étais entourée d’une vie invisible

Et les sens en alerte, j’allais comme ébahie :
Qu’il est particulier de vaguer dans le noir
Parmi des sons confus qui ne laissent savoir
Si l’on a dérangé ou si l’on est suivie !

Le temps passe et je pense à toi –
Toi que j’ai connu tout enfant
Condisciple, ami puis amant,
Tu as, pendant plus de trente ans,
Profondément compté pour moi.