Mon sommeil est profond mais depuis quelque temps
Les rêves qui le peuplent sont tout chargés de vice
Et maints concepts qui me révulsent hélas ! s’immiscent
Dans mes pensées soumises à l’assoupissement.

Et à chaque réveil, mon cerveau embrumé
Geint de sentir sur le pourtour de son esprit
Des relents écoeurants d’envie, de perfidie,
De traîtrise, de bassesse et de servilité.

Mais pourquoi ces horreurs campent-elles sous mon crâne ?
Banale le jour serais-je, la nuit, une traînée ?
De tous ces cauchemars me viennent des nausées…

Et tous les jours je paie ces rêveries insanes
Car cette partie de moi qui ressort quand je dors
M’alarme et me révolte et fait que je m’abhorre.

Chaque heure, chaque minute, de chaque jour qui passe
S’enfuit en me laissant toujours un peu plus lasse.
Mes muscles son épuisés, harassés et mon cœur
Crie continuellement sa faiblesse, sa langueur :

Ses battements résonnent dans ma poitrine creuse,
Je le sens qui envoie dans ma gorge fiévreuse
Un sang trop lourd pour lui et ses faibles artères
Qui combattent en vain l’asthénie délétère.

Le ciel est transparent et les arbres sont nus,
Le vent caresse leurs branches de son souffle ténu ;
Tout est serein dans l’air cristallin de l’hiver,
L’on pourrait voir jusqu’aux confins de l’univers.

La froidure hiémale rend l’atmosphère limpide
La lumière étincelle dans cette étendue vide ;
Les guérets à l’entour sont d’un ocre éclatant
Et le gel dans les champs se transforme en diamants.

On m’a dit que j’étais tombée dedans un gouffre
Aux parois fort glissantes et que la gravité
Avait raison de mes efforts désespérés
Et qu’eux-mêmes m’épuisaient jusqu’à mon dernier souffle.

Mais que dois-je faire alors ? M’abandonner au vide ?
Lâcher prise et ensuite plonger dans le néant ?
Laisser mon faible esprit s’abîmer totalement
Dans ce désert sans fin de dépression putride ?

« Tu t’épuises petite fille ! Lors, cesse de lutter !
Ne t’accroche plus ! Vois : tes doigts sont tout en sang ! »
Serai-je reposée quand mon corps disloqué
Aura atteint le fond de ce fossé béant ?

Je suis épuisée et si je respire
C’est parce que l’air rentre malgré moi.
Je ne lis plus, je ne sais plus sourire
Je me sens brûlante et tremble de froid.

Je ne veux plus rire, je ne veux plus voir,
Je ne veux plus vivre, je voudrais hurler
A fendre mon cœur : je veux dans le noir
De la mort me plonger – et oublier…

Adieu, année défunte ! Hier, tu expiras
Dans la douleur et la souffrance et l’amitié.
À minuit, tu mourus, emportant avec toi
L’image de mon sourire masquant mon cœur brisé.

Ô, année deux mil six ! Tu portas vaillamment
Ton pesant de détresse, de peines et de pleurs.
Aujourd’hui tu n’es plus, mais hélas je comprends
Que deux mil sept, ta fille, portera en son sein
Les mêmes joies éphémères, tout autant de chagrin,
La même affliction et les mêmes douleurs.

Je voudrais tant vomir, vomir pendant des heures,
Vomir enfin à en avoir la gorge en feu
Et sentir tout mon corps se tordre de douleur
Sous la violence renouvelée des jets furieux ;

Me sentir pantelante, et que mon corps brisé,
Rompu par la douleur, oblige mon esprit
A sortir de mon cœur et puis à oublier,
Oublier un instant, mes sentiments meurtris.

De l’eau coule de mes yeux, ruisselle sur mes joues,
Je me perds dans un fleuve de larmes constitué ;
Je ne sais plus rien faire hormis que de pleurer
Car mon chagrin, hélas ! Domine mon courroux.

L’affliction me laisse toute entière brisée ;
Je voudrais que mes pleurs enfantent un océan
Dans lequel je pourrais m’échapper doucement.
– La douleur laisse en paix les cadavres noyés –

Sous mon toit déambule un superbe objet d’art
Composé tout entier de matériaux de prix ;
Sa complète perfection retient mes regards,
Sa beauté si totale méduse mes esprits.

Son pelage lustré évoque immédiatement
Un alliage splendide d’albâtre et puis d’ébène,
Ses yeux déclinent la jade – coloris trop courant –
Mais ils sont couleur d’or, nuance souveraine !

Et d’un pas nonchalant, cette statue adorée
Honore chaque pièce de sa présence aimée.
Ses yeux, lorsqu’il me voit, jettent un feu si profond
Que rien ne peut suspendre ma contemplation.

Le brouillard aujourd’hui s’est installé ici,
Il s’infiltre partout et dissimule tout
La forêt à côté en est toute envahie
L’on n’aperçoit plus d’elle qu’un amas sombre et flou.

Ce temps glace le cœur de l’humain arriéré
Qui le peuple aussitôt de goules et de fantômes,
Et fait de la forêt le lieu privilégié
Des spectres, des vampires, des maléfiques gnomes.

Las! Si les Hommes savaient! Toute cette humidité
S’apparente bien moins aux sorcières qu’aux fées
Et les gouttes qui perlent aux doigts des végétaux,
Que les mortels croient larmes, sont en fait des joyaux.

Les êtres merveilleux, c’est vrai, sont de sortie,
Et dans les bois, loin des mortels, se réfugient;
La brume les accompagne en guise de manteau
Car ces êtres éternels sont les esprits de l’eau.

Les Naïades rendent visite à leurs cousines aimées:
Les Dryades et les parent de leur humidité;
Lors dans la brume scintillent et brillent de mille feux
Les bijoux éphémères qui ornent leurs cheveux.