Si tu n’étais, amie, ma petite chérie,
J’irais quand même tous les matins pour travailler,
Assister à des cours qui m’obscurcissent l’esprit
Et le font s’envoler dans d’obscures rêveries,
Seulement je n’aurais personne à qui songer.

Si tu n’étais, amie, ma jolie puce à moi,
Je rirais malgré tout avec ceux qui m’entourent,
Mais ce ne serait qu’un masque à mon désarroi
Et mes sourires n’émaneraient de nul émoi
Puisque je vivrais seule, comme vide, et le cœur lourd.

Si tu n’étais, amie, la reine de mon cœur,
Peut-être adorerais-je un homme gentil et beau
Qui un temps me ferait découvrir le bonheur ;
À son départ, j’expirerais, noyée de pleurs :
Tu ne serais pas là pour calmer mes sanglots.

Si tu n’étais, mignonne, la meilleure des amies,
Mon sang continuerait de bondir en mes veines,
Ma gorge aspirerait cet air qui me nourrit,
Mon corps, comme à présent, bouillonnerait de vie,
Mais cette vie, sans toi, serait morose et vaine.

Je voudrais me sentir pousser de longues ailes
Blanches comme celles des colombes mais fortes sous mon poids
Ou bien brunes, mordorées comme un oiseau de proie
Fixées en mon dos par un pouvoir surréel.

Je voudrais m’envoler, monter toujours plus haut
Voir de dessus les nues l’aspect des continents,
Les chaînes de montagnes, les mers, les océans,
Bercée par le soleil qui embraserait ma peau.

Je voudrais m’élever plus haut, plus loin encore,
Pour ne voir de notre astre que le lointain contour
Tel un joyau précieux masqué par le velours
D’une gaine de ciel qui veille sur son trésor.

Je voudrais explorer l’éclatante spirale,
Le lumineux amas qu’est notre galaxie,
M’avancer en son centre, mon périple fini,
Pour disparaître enfin dans le cœur d’une étoile.

On me fait travailler
Dans un bureau glacial ;
Le vent souffle en rafales
Et mes doigts sont gelés.

L’automne rigoureux
Entré par la fenêtre
S’est installé en maître
Et mes ongles sont bleus.

Le froid s’est infiltré
Des habits à ma peau,
De ma peau jusqu’aux os,
Et mes mains sont glacées.

Un courant d’air vicieux
Me frôle, fureteur
Et va glacer la sueur
Dessus mon front fiévreux.

Adieu, mon disque dur ! Hier, il m’a quittée
Emportant dans sa chute l’ensemble de mes données.
Il a crié, un peu, et puis vite a sombré
Dans le coma, me laissant seule et démunie.

Mon père, durant deux heures, vainement a cherché
Une manière quelconque de réanimer
Mon bel ordinateur; mais sa vie l’a quitté
Alors qu’avec mon disque, s’envolait son esprit.

Mon état d’aujourd’hui à l’honneur de me plaire :
Je suis calme – c’est bien d’être célibataire.
Mes regards se promènent partout où sont les mâles,
Sans restriction éthique ni scrupule moral,
Je me sens libre, enfin, je n’appartiens qu’à moi,
Délivrée pour un temps des sentiments sournois
Qui s’implantent en mon cœur, me font vivre et souffrir,
M’insufflant moins de joie que d’envie de mourir.
Oui, je suis seule et souhaite le rester longtemps
Puisque l’amour ne m’a porté que des tourments.

Si tu étais un lieu, tu serais un pré frais
Accueillant mais caché dans le creux d’un vallon,
Parsemé de grands chênes, tapissé d’un gazon
Couvert de pâquerettes ; en bordure d’une forêt.

Si tu étais un animal, jolie chérie,
Tu serais une licorne aux crins immaculés
D’un charme lumineux, toute de pureté,
Le front couronné de ta corne d’or bruni ;

Si tu étais une fleur, le plus fier végétal
Du plus grand des jardins de rois ou d’enchanteurs
Pâlirait sous ta beauté à briser le cœur,
Ton parfum délicieux et tes teintes d’opales.

Tu n’es ni une fleur, une bête ou un lieu
Mais tu es et seras à tout jamais mon ange,
Joyau tombé parmi les êtres de la fange
Apportant à nos vies un accord mélodieux !

Je fréquente des hommes, les frôle, leur souris
Et me sens bien près d’eux, car ce sont mes amis ;
Pourtant, certains d’entre eux éprouvent à mon égard
Des sentiments plus forts qu’ils ne devraient avoir.
Ils m’appellent, viennent me voir, brisent ma solitude
Et je dois être gaie, cacher ma lassitude
Faire semblant d’ignorer l’envie qui les enfièvre ;
Ils désirent ma peau, ils désirent mes lèvres
Aspirent à mes caresses et convoitent mon corps
Leur caprice passager leur fait croire qu’ils m’adorent,
La libido enflamme leur imagination
Qui un béguin banal déguise en passion.

Je ne veux qu’être seule, je l’ai enfin compris
Pour panser dans le calme mes sentiments meurtris
Vivre comme je l’entends, suivre mes volontés
Découvrir mes ressources, ma force, mes facultés,
Guérir tout doucement en m’apprenant moi-même,
Me consacrer un peu à mes propres problèmes,
Seule, enfin, pour un temps utile à mon repos,
Sans peines inextricables où me noient mes sanglots ;
Un temps mal défini – un mois, un jour, un an ?
Durant lequel se comblerait l’abîme béant
Qui s’est creusé en moi et qui m’a déchirée
Me rendant aujourd’hui incapable d’aimer.

Mais on m’a embrassée, je suis désemparée.
Je lui ai dit pourtant, pour le décourager,
Qu’être célibataire en l’instant me plaisait ;
Il en est resté sombre, déconfit, stupéfait.
Cela n’a fait, hélas, que le freiner un peu,
Puis il m’a enlacée, se croyant amoureux.
Oh, il sent bon, il est gentil et délicat,
Il a un beau sourire – je crois qu’il tient à moi ;
Je ne l’ai pas chassé par peur de faire souffrir
Mais près de lui, j’étouffe, j’ai peur pour l’avenir.
J’avais besoin de temps et il me l’a volé
Aussi, je n’ai pas de cœur pour pouvoir l’aimer.

Un an de plus, ma tant aimée ;
Vingt-trois ans déjà sont passés
Depuis le jour cent fois béni,
Depuis l’heure où tu as pris vie.

Tu es née deux ans avant moi
Tel un charmant petit appât
Placé là par un dieu trop traître
Voulant m’encourager à naître.

Vingt-trois ans – je t’aime depuis sept
Mon enchanteresse fleurette :
Sept ans que tu es dans mon cœur,
Que tu es ma petite sœur.

Depuis que tu es sur la terre,
Sur tous et toutes, ton charme opère ;
Depuis que je t’ai rencontrée,
Ma vie s’est toute illuminée.

Un jour, pleine d’horreur, je me suis aperçue
Que le blog de la loutre était sombre et sinistre :
Cette page que j’avais faite, point ne la reconnus
Avec sa teinte noire, ses poèmes de bistre ;

Je me suis dit « passons ! Aujourd’hui, elle a mal !
Aujourd’hui, elle pleure, plongée dans l’affliction !
La caresse du vent, la lueur des étoiles
À son coeur ne seraient d’aucune consolation ! »

Je me suis dit « demain, de nouveau, son esprit
S’ouvrira à la joie de rire de nouveau ;
Laissons errer dans l’ombre cette âme affaiblie
Et que la solitude apaise ses sanglots. »

Mais le temps a passé, et le noir est resté.
Jour après jour, la loutre déchirait ses morsures
Afin d’être à jamais un animal blessé
Et d’enfin succomber sous le poids de l’usure ;

Le noir ne fuyait pas, l’écriture est partie :
Quelle idée de draper sa plume de ténèbres !
On ne peut pas prier dans un temple sali,
On ne peut pas écrire sur un rempart funèbre.

Lors me voilà enfin, qui porte la couleur
Dans ce lieu assombri par ses tristes tourments
Pour chasser la détresse qui assaille son cœur
Et raviver un peu son folâtre enjouement.

L’animal lisse ses moustaches
– Je l’observe : il ne m’a pas vu –
Et puis distraitement arrache
Une herbe, un pissenlit, qu’il mâche
En restant toujours à l’affût.

Ses yeux, petites billes noires
Scrutent le paysage à l’entour ;
Tandis que s’activent ses mâchoires
À tout bruit, prompte à s’émouvoir
Tournoie son oreille de velours.

Soudain, je cille, il m’aperçoit,
Me fixe, effarouché, surpris,
Pétrifié dans son désarroi,
Et après un instant d’émoi
Il s’enfuit, court vers mon oubli.