Quand je me poste à la fenêtre, comme guettant
L’éternel amoureux qui jamais ne viendra,
La vitre et l’air nocturne et les arbres en deçà
Se fondent et se confondent en un tableau tremblant ;

Leurs silhouettes masquées, fantômes affranchis,
Se mêlent à ma peau gravée dans le miroir
Du verre qui me porte et me tient à l’écart
Des venins que répand la lune épanouie :

Désole toi mon œil unique à la croisée,
Cyclope transparent aux couleurs incertaines,
Huître presque passée de langueur égéenne
Dont la perle roulante est ma larme salée !

L’ouragan hurle à ma fenêtre, furieux,
La terre gémit sous la tourmente des cieux ;
Bien au chaud dans mon lit, terrée sous le duvet,
Mon chat entre les bras, un livre sous les yeux,
J’entends mugir le vent avec un coeur quiet.

Dès demain je saurai si une maladie
Putréfiant mes entrailles m’a ou non envahie
Et je tremble à penser ces germes en mon sang,
Et je veux une vie, et je veux un mari,
Et je veux des enfants.

Peut-être qu’à présent, mon corps est infecté,
Que le sang dans mes veines y fait courir la mort ;
Chaque nuit qui s’enfuit, la terreur me dévore
Aux cauchemars de mes cellules délitées.

Un moment de plaisir pour une vie en moins ?
Le doute me tenaille et me glace sans cesse
Des pensées me harcèlent : le désespoir m’oppresse
À l’idée de mon sang pourrissant en mon sein.

Un rayon de soleil
S’est posé sur ma joue ;
Son éclat m’émerveille
Sa chaleur me réveille
En un baiser jaloux.

Un trait de lumière
Dans mes yeux s’enflamme
Puis, fol incendiaire,
Vers mon cou prolifère
– J’y insuffle mon âme :

Je gorge notre étoile
De toutes mes pensées
Afin qu’elle te dévoile
Dans ta proche journée
Mon ardente amitié.

J’ai rêvé cette nuit d’un chemin dans les champs
– Traînée de sable chaud serpentant dans les prés –
J’y marchais avec toi, mon ange, à mes côtés
Et tu me tenais par la main ; en souriant.

Chimères

Même si en cent ans
J’allais, toujours cherchant,
Jamais ne trouverais,
Mon ange, ton égal
– L’amoureux idéal –
Un homme aussi parfait.

Dessus toute la terre,
De par tout l’univers,
Nul n’a la peau si tendre
Le sourire aussi clair
Que toi mon Lucifer
À qui j’aime à me vendre ;

Chaque instant qui s’enfuit
Voit mon bonheur grandi
De vivre auprès de toi,
Mes yeux rivés aux tiens,
Et je ne me sens bien
Que blottie dans tes bras.

J’en ai marre, mon amour, de tes indécisions
J’en peux plus de subir ton silence constant
Tu te plains et tu pleures comme un petit enfant,
Mais reprends toi, un peu, t’es un homme maintenant !
Face à tous tes caprices, moi je pète les plombs.

J’en ai marre ! Réveilles-toi ! Mais c’est quoi, ton problème ?
T’as des parents pas mal, tu vis là ou tu veux,
Tout un tas de nanas se battent pour ton pieu
– On se demande pourquoi : elles pourraient trouver mieux –
Et puis par dessus tout, tu bosses dans ce que t’aimes.

Mais bordel, j’en ai marre! Tu comprends ? Tu fais chier !
Choisis un peu ta vie, décides toi enfin,
Tu veux pas faire en sorte de te sentir bien ?
Tu pourrais être heureux, mais pour ça tu fous rien !
Continue à couler, tu me feras crever.

Si nous sommes un cœur séparé dans deux corps,
Si notre âme commune vit sur deux continents,
Si nos esprits se complètent parfaitement,
C’est parce que, semblables au tout premier abord,
Les tréfonds de nos êtres sont distincts, divergents :

Quand tu es lumière, moi je suis les ténèbres,
Et pour te faire un ange tout de perfection,
La nature m’a créée pour être le démon
Qui serait ta moitié, pâle damnée funèbre,
Équilibrant tes rêves par mes désillusions.

Tu garderas toujours ton exquise âme blanche :
Tous les méfaits du monde, je les ferai pour toi,
Mes pleurs t’abriteront de la peine et l’effroi,
Et la contrepartie de l’amour qui s’épanche
De ton cœur toujours plein sera mon désarroi.

Trois fois dans la journée, nonobstant mes nausées,
J’essaye de vivre, enfin, je me force à manger
Je bouge, aussi, respire et dors dix heures par nuit
Rien de cela ne dissipe ma léthargie ;
Chaque fois que je passe devant mon reflet,
Devant mon teint livide et mon faciès défait,
Je me fais peur – et le chagrin emplit mes yeux –
Voyant ma face blême de cadavre miteux.