Je ne dois pas bouger
– La fureur s’accumule –
L’angoisse la stimule,
Je peine à respirer.

Le sujet m’exaspère :
Il ne m’évoque rien
Et je souffre en mes reins
D’écrire presque à terre.

Je vous hais, partiels,
Sales installations,
Énoncés à la con
Qui provoquent mon fiel !

Veille de partiel, dernier effort !
L’année de cours enfin finie,
Reste l’anglais, l’économie…
Plus envie de bosser encore.

L’épreuve d’éco me tourmente
– Je n’ai rien appris de l’année –
C’est long et lourd à rabâcher :
Vivement un peu de farniente !

Dans un mois, ce sera juillet :
Loin des cours et de l’entreprise
Enfin je prendrai ma valise
Et vers toi je m’envolerai.

« – Nous allons faire des révisions.
« – Le programme est-il donc fini ? »
Clarisse ne dira pas oui :
Elle boude en plissant le front,

Geins un peu et braille à nouveau,
Et les banalités reprennent ;
La prof s’enflamme, rien ne la freine,
Pas même la vue de nos yeux clos.

« Mais non, on n’est pas à la bourre ! »
C’est vrai, à quoi bon s’affoler ?
On n’a rien fait de toute l’année
Et le partiel est dans dix jours…

Si la terre pivote en son axe éternel,
Et si tu es partie à l’autre bout du monde,
J’aime à penser parfois aux heures de nuit profonde
À la lune voilée – immuable chandelle –

J’aime à imaginer qu’à huit heures passées
Tu as vécu, jolie, dans un point de l’espace
Qui serait devenu mon actuelle place,
Et je me sens un peu – si peu – réconfortée :

Je voudrais tant, Princesse, t’avoir à mes côtés !

L’espace environnant
Cavale et se défile
Et sa course fébrile
Rend mes gestes tremblants.

Le lourd bourdonnement
Qui vibre à ma peau même
Fait mon visage blême
Et crève mes tympans.

Du noir et puis du blanc
Tournoient : plus de couleur
– Seulement la douleur –
À mes yeux brûlants.

Les jours passent et fuit avec eux ma vigueur
– Chaque aurore qui se lève voit ma couleur pâlie –
Chaque matin grandit mon fardeau de langueur
Que j’endosse, assoupie,
Ne rêvant que répit.

Du lever à la nuit, les instants sont confus
– Mes paupières s’abaissent quand brille le soleil –
Les heures passent, me laissent craintive et abattue,
Tous les soirs sont pareils :
J’élude le sommeil.

Je redoute les heures ou mon esprit s’enlève
Aux demeures hantées des sanglants aliénés ;
Je crains mes cauchemars et tremble que mes rêves
Tout de félicité
Me fassent au jour pleurer.

Rassemblés dans le cimetière
Aux échos des vies qui ont fui
Au cours de la dernière guerre
Pour récupérer leur patrie,
Nous gardons un silence meurtri.

Pour moi, ces êtres ont disparu
Il y a une éternité ;
Plus loin pleure un vieillard ému
Au souvenir jamais gommé
D’un frère qu’il a un jour aimé.

Dans trois lustres ou deux décennies
Ceux qui vécurent l’effroyable
Seront sous la terre en répit :
Alors nos souvenirs peu fiables
Croiront leurs combats une fable.

Dans l’ensemble des anges, sur la terre et au ciel,
Qui ont leur existence par-delà tous les temps,
Aucun n’a tant de grâces, aucun n’est si charmant,
Que toi, fleur animée, scille providentielle !

Le vent que tu respires s’en trouve purifié
Et l’onde à ton contact redevient limpide ;
La terre que tu frôles n’est plus sèche et aride
Mais fait naître à tes pas des herbes parfumées.

Et quand je pense à toi, ou quand tu me souris,
Tu fais revivre en moi l’espoir et les poèmes :
Ainsi, mes vers sont tiens, mon cher autre moi-même
Puisque tu les suscites, jolie muse chérie !

Lorsque la lune est bleue, d’un bel azur, et pleine,
Les deux mondes se mêlent, se confondent sans bruit
Dans les champs humectés et au couvert des chênes
Les chimères s’éveillent et s’emparent de la nuit.

Les arbres se redressent et parlent en silence
Tout remplis du bonheur de se sentir enfin ;
Doucement leurs racines esquissent un pas de danse
Sur le rythme inaudible d’un pénétrant refrain.

Les herbes, les buissons, s’ébrouent lorsque la brise,
Esprit tendre et follet, caresse leurs cheveux :
Il crée de fines rides à l’onde qu’il courtise
Puis, farouche amoureux, s’évade dans les cieux !

Les fées et les dragons festoient dans la rosée
De l’air qui les entoure, frais ou tiède sans cesse
Et de rayons de lune à peine parfumés
Qui sont les purs nectars des elfes et déesses.

Quelques chiffres gravés
Sur un bout de papier
Ont porté jusqu’à moi,
Choute, ta jolie voix.
Par un carton rigide,
L’onde affronte le vide
Et traverse le ciel
– Tendresse immatérielle !
Te réentendre enfin,
Cela m’a fait du bien :
Ta voix me parvenait,
Je te sentais plus près ;
Et quand tes mots m’ont fuie,
Je n’ai plus fait de bruit
Pour garder dans mon cœur
Le son de ta voix, sœur,
Quelques instants encore
Tel un mignon trésor.