Author: Soune

Je pourrais affirmer déplorer avec peine
Le hasard imprévu qui mon poignet brisa :
« Jour après jour le mal s’étend comme gangrène
Et du bout de mes doigts monte en haut de mon bras
»

Je pourrais dire commémorer l’anniversaire
De ce triste jour désastreux où un ami
À écrasé d’une erreur bien involontaire
La peau de mon épiderme lors d’un gai ris

Je pourrais proférer à voix haute et morose
Que quand tombent à terre des averses de pluie
Je sors pleurer en larmes sur ma constante arthrose,
Les bras levés au ciel dans un désir d’oubli !

Oui je pourrais crier ou chuchoter sans cesse
Ces plaintes disgraciées, syntagmes imparfaits
Mais je m’écorcherais la bouche de détresse
À les souffler – car le pléonasme est si laid !

De mon esprit et de mon cœur
Le cafard s’est fait logement ;
À ses passages dévastateurs
Il répand dans mes intérieurs
Une âcre et noire boue de sang !

Avec ton pelage soyeux
– Raton mon tout petit raton –
Et ton petit nez curieux,
Tu es semblable à mon chaton.

Ton déguisement bicolore
– Raton, mon tout petit raton –
Et ton ronronnement sonore,
Me font penser à mon chaton.

Quand la brume argentée masque la lune pleine
Le maître de ballet pousse son triste cri
Et à l’injonction du chant endolori
La clairière se charge d’un frottement de chaînes.

Les vapeurs se condensent aux vibrations des pleurs
Dessinant peu à peu de longues formes ailées
Aux faces salies d’un rictus désespéré
Dont les yeux vides expriment l’innommable douleur !

Et les corps intangibles se tordent, convulsifs,
Sous l’accablante plainte, à l’obsédant sanglot,
Du gardien des déchus incarné en oiseau
Qui dévaste leur âme de son chagrin plaintif.

Je suis Sainte Sounette,
Minuscule soutien
Du bricoleur commun
Que son marteau maltraite !
Quand l’homme du foyer
S’absente ou se repose,
– Panse ses ecchymoses –
Mes menus doigts de fée
S’activent en silence :
La perceuse prend vie,
Chutes et copeaux s’enfuient
Par ma toute puissance !
J’apporte la lumière
Et rampe dans les coins ;
Et ma petite main
Tend l’eau qui désaltère.

Lorsque je vois une sucette,
Bonbon qu’avec entrain je mords,
Mes boucles se lèvent en couettes,
Et mon visage se colore,
À mes yeux naissent trois point d’or.

Je redeviens l’heureuse enfant
Que je fus dans une autre vie
– Au cœur libre de tous tourments,
À l’existence emplie de ris –
Quand je vois cette sucrerie.

C’est de nouveau l’automne et la chasse a repris :
Les détonations hantent bois et pâtis,
Les chiens s’affolent et crient à l’odeur du gibier ;
L’écureuil alarmé tremble dans son terrier.

Une balle est partie, suscite la clameur,
De l’oiseau dont le fer a déchiré le cœur :
Il ne chantera plus la brume au crépuscule ;
Et l’écureuil tressaille à ce son qui l’accule.

Le hurlement des chiens exalte le massacre
– Sinistre liturgie que le sang versé sacre –
Les chasseurs et leurs bêtes se ruent sur la curée ;
L’écureuil en son antre se terre, terrifié.

Oh j’ai pleuré hier, pleuré, pleuré encore
Quand j’ai senti dans mes bras son corps frémissant
Quand j’ai senti vibrer ses jarrets roidissant
Qui ne la levaient pas malgré tous ses efforts !

Ses yeux presque fermés et opaques déjà,
Ses naseaux silencieux mais tremblants, dilatés,
Qui quand je caressais son museau bien-aimé
À mon odeur s’animaient d’un fragile émoi,

Il m’en souvient encore ! Ces marques de douleur
Je les ai embrassées, ne pouvant les guérir ;
Et je suis restée là à regarder souffrir
Ma Choune qui mourait sans voir passer les heures.

Le Shetland est coriace : elle n’a pas succombé ;
Mais l’âge qui la tient est ennemi mortel
Et à la maladie prodigue crocs et ailes…
– Je voudrais qu’il diffère longtemps de me l’ôter.

Tu es en France et me souris ;
Je t’ai parlé ce matin même
Et t’ai retrouvée à Paris
Toi mon angélique suprême !

La main dans la main nous rentrons ;
Je jubile encore du miracle
Qui t’a amenée d’un plongeon
Sautant le temps et les obstacles

Auprès de mon cœur déserté,
Petit oiseau sans toi perdu…
… Je voudrais ne pas m’éveiller :
Demain, tu auras disparu.

Place Jacinthe – Lloret de mar

Entre la mer et la cité
Sont une place et sa fontaine ;
Tapissée de dalles d’ébène
Qu’embrasent les traits de l’été,
La place s’embrase et rutile
Et semble, monument gracile,
L’écrin d’un joyau enchanté.

Petit réceptacle d’eau pure
– Limpide ainsi un diamant,
Qui se renouvelle en bruissant
Un doux refrain qu’elle murmure –
La fontaine avec abandon
Embellit la place à ton nom
De tous les reflets de l’azur !