Author: Soune

Une année
Est passée
Cette nuit,
Sans un bruit,
Sur un souffle
Que camoufle
Le perçant
Chant du vent.

L’an nouveau
Sera beau
Je l’espère :
Qu’il diffère
Du tourment
Obsédant
D’autrefois,
Triste émoi !

J’ai souri
Aujourd’hui
Au futur
Encore pur :
Ma douleur
Qui se meurt
N’a souillé
L’an hui né.

Je songe chaque nuit dans l’extase ou l’angoisse
À l’homme de ma vie qui m’embrasse ou qui meurt
Dans ces battues insanes à me fendre le cœur
Où je le vois tomber alors qu’on me pourchasse ;

Je le vois à chaque heure qui passe en son absence,
Son visage si doux que je veux caresser,
Ses cheveux presque blonds que j’aimerais coiffer,
Son parfum enivrant qui enflamme mes sens…

Je désire passer ma vie entre ses bras
Mais ce démon divin, brûlante obsession
Qui serait de ma vie l’illumination,
Je l’aime et je l’appelle, et il n’existe pas.

Elle était jeune et belle, les mains pleines de sang,
La faim d’égalité rongeait son cœur ardent ;
Exaltée et terrible, son désir de justice
Envoya en un an des foules au supplice
Qui n’avaient succombé à son buste troublant.

Nulle femme ne fut tant qu’elle courtisée
Ses amoureux étaient forts et déterminés
Certains idolâtraient ses formes et son essence
D’autres en la louangeant poursuivaient la puissance
De dominer Marianne par le peuple adulée

Elle fut manipulée, adorée ou trahie
Par les hommes à qui tour à tour elle s’offrit ;
Tantôt avec leur aide, tantôt malgré ses chaînes,
Elle tendit à ses fils le meilleur d’elle-même
Et la déclaration des droits de l’homme naquit.

Trois siècles ont passé et gelé sa vigueur :
Des hommes de pouvoir, hypocrites trompeurs,
Tordent son corps brisé, se clament ses amants,
Et l’accablent d’opprobre aux yeux de ses enfants
Tandis que dans sa geôle elle geint de douleur.

Une plume s’envole,
Gracieux panache blanc,
Le zéphyr, tendre fol,
Souffle tourbillonnant.

L’œil orange s’est éteint
Qui me guettait sans cesse
Dans l’espoir enfantin
D’inciter mes largesses.

Mon pigeon blanc est mort ;
De lui ne sont restées
Que quelques plumes, son corps
M’a été enlevé.

Lorsque le froid nous pique
Un lieu d’éden revit :
C’est le muret magique
Et sa vasque bénie ;

Lorsque l’hiver revient,
La margarine y pousse
Une flopée de grains
De blé dorment en la mousse.

Et nous nous en bâfrons :
Nos becs et griffes agressent
Et plongent en nos bidons
Le tiède tas de graisse.

Sur la vitre de ma croisée
L’hiver a tracé de son souffle
Un blanc vitrail qui me camoufle
Aux yeux du soleil délavé.

En gemmes éphémères, les cristaux
Se tordent, exquises esquisses,
Minuscule forêt de lys,
Et germent jusqu’à mes linteaux !

Et chaque atome d’eau transi
Disperse les traits de l’aurore
Et sur mon parquet élabore
Un arc-en-ciel qui resplendit.

Tu verras, ma jolie, quand tu me reviendras,
Nous nous ressouviendrons de ces choses à faire
Regarder des movies, nous perdre dans les bois
Puis prendre la voiture et aller voir la mer !
Et le soir, fatiguées et le ventre en détresse,
Nous rentrerons gelées, lasses d’inanition
Je chaufferai le riz pendant que toi, princesse,
Feras cuire le chicken avec quelques oignons !

Pluton que tu es belle, Ô divine patrie !
Quand tes vents de méthane caressent mes écailles
Puis hurlent tendrement, bondissant sur l’émail
Qui tapisse, nacré, les branches de corail
Aux arêtes tranchantes de tes fraîches prairies,

Lorsque ton atmosphère devient rouge de brume
Et porte le parfum de l’azote fruité,
Que tes vapeurs se figent jusque sur ma cornée
Faisant naître le givre, partant, la volupté
De mon œil à mes spores que l’autarcie consume,

Quand je lève les yeux à la lune éternelle,
Le jour d’un pourpre tendre, écarlate sinon,
Qui ébranle mon corps par son attraction
– Mes organes suivant sa lente rotation –
Et marque ma surface d’un hale sensuel,

Je clame ta splendeur et, frissonnant de joie,
J’épouse tes reliefs et tes gouffres graciles,
Si le bonheur me fige, je t’étreins, immobile ;
Alors que tes séismes à l’éternel babil
Me chuchotent en chantant les contes d’autrefois.

L’automne en revenant a fait tomber les feuilles :
Sur cet humus humide poussent les parapluies
Leurs membranes informes apeurent les chevreuils
Puis leurs baleines sèches, ils se rigidifient.

Certains sont capturés et emportés au loin
– La tige se roidit et la voile se froisse,
La sécheresse durant, elle s’étiole et déteint –
Et ils geignent en grinçant leurs bois aux ombres basses.

Mais la brume et la bruine laissent place aux averses :
On se souvient du parapluie étiolé ;
L’orage le réveille, l’ouragan le redresse,
Il découvre le ciel et rêve de voler.

Rond et blafard, l’astre est gigantesque ce soir ;
Ses rayons reflétés dans l’espace infini
Font paraître alentour les ténèbres plus noires
Et la couleur déserte à son glauque regard…
Moon ! Sinister object of my melancholy !

Dans sa sinistre gloire une fois le mois atteinte
Il infecte la terre et, macabre, irradie
Sur le sol désolé une livide teinte :
Partout ou elle s’étend, c’est le trépas qui suinte ;
Moon ! Sinister object of my melancholy !

Je t’abhorre, perfide, qui ris de la douleur
Que tu m’as insufflée, satellite maudit,
En arrachant ainsi – inhumaine douleur –
De mon sein palpitant la moitié de mon cœur,
Moon ! Sinister object of my melancholy !