Author: Soune

Je me perdrai au plus profond des bois maudits
Puis creuserai le sol de mes ongles souillés,
Confierai à l’humus ma carcasse transie
Et le chant des racines gorgera mon esprit,
Les légendes des rocs me seront révélées ;

Je plongerai au plus obscur de l’océan,
Offrirai aux abysses le souffle de ma gorge
Et le froid animé de ce néant mouvant
Gravera sur ma peau l’épopée des courants
Que le temps, les tempêtes et les séismes forgent ;

Je gravirai l’aînée des montagnes de feu,
M’élancerai d’un saut au centre du cratère,
Et mes os libérés par l’afflux capiteux
Comprendront l’utopie du magma sirupeux
Tandis que la lumière consumera mes chairs ;

Et forte des savoirs de trois des éléments
Enlaçant l’atmosphère aussitôt franchissable
J’enfourcherai le galbe impalpable du vent
Et bondirai d’un trait jusqu’à ton continent
Pour grouper à nouveau nos cœurs indissociables.

Deux fois par an
Je me recueille
En musardant
Près des cercueils,
Petits chemins
Garnis de sable
Bordant sereins
L’inexorable.

Deux fois l’année
La voix évoque
Les trépassés
D’une autre époque
Que l’ennemi
À pu abattre
Que le maquis
À vu combattre.

Peut-être quand mon cœur sera comblé entier
Par l’amour enflammé d’un homme idolâtré
Je pourrai revenir à ces tendres romans
Qui lorsque je les lis rendent mon cœur brûlant ;

Oui, je souffre immobile et je hurle en silence
Au penser d’un amour alliant la constance
À la flamme effrénée plus qu’on m’a pu offrir,
Mais je crains qu’onc ma peine ne se voie adoucir.

Dans l’abri de mon sang, tiède ruisseau fertile,
Ils se sont divisés, se sont multipliés
Je gémis à présent ma défunte santé,
Mes braves lymphocytes, que les germes annihilent.

Adieu mon nez, adieu, cher débris moribond !
Et toi gorge enflammée, tu hurle ta défaite
– Achevant mes oreilles que les microbes hébètent –
Chaque fois dans le jour que tonnent mes poumons.

Ficelée jusqu’au sang dans des cordons criards
Laissant à découvert sa peau blafarde et molle,
Elle glousse et se trémousse dans l’évident espoir
D’attacher à ses formes des mâles les regards :
Racole, pauvre folle !

L’homme fier de ce nom passera sans te voir,
Ton corps n’attirera l’attention que de ceux
Qui sont habitués des femmes du trottoir ;
Eux seuls pour une nuit toléreraient vouloir
De tes appâts graisseux !

Il y a un instant, mon souffle a pris son vol
Et dans quelques secondes, il sera évanoui,
Frêle once d’oxygène fuyant d’un corps roidi
Ainsi le vieux pétale qui quitte sa corolle.

Nous prétendons à l’ossature de la terre,
Globules d’eau rougie en mouvement toujours
Croyant nos rôles majeurs et cruciaux nos séjours,
Mais face au simple roc, nous sommes éphémères :

Le monde vole au fond de l’éternel espace
Prendre sa place enfin au somptueux ballet
Des astres tournoyants au rythme de l’archet

Des novæ vibrantes du froid qui les enlace
– Et en cet infini, les microbes humains
Défiant des chimères, aux cieux lèvent le poing.

Ma petite princesse
Qui au loin s’est enfuie
Adorable déesse
Tellement tôt partie
Tu mis dans ton bagage
Et toutes mes pensées
Et mon cœur de sauvage
Que tu as su dompter.

Tendre petite fleur, t’en souvient-il encor
De ce jour de printemps semblable à aujourd’hui
Où flânant dans les rues d’Orsay, calmes et ravies,
Alors que le soleil brunissait ta peau d’or,

Nous devisions marchant et nos gorges asséchées
Nous firent succomber à nos faims de fraîcheur,
N’as-tu pas oublié pas la pastèque, mon cœur,
Qu’avec Hervé et Yann nous avons partagé ?

Ma mignonne princesse et exquise antipode,
J’aimerais à nouveau partager tes saisons ;
Séparé de ton rire, mon cœur est vagabond,
Loin de ton cher regard, mon entrain se corrode.

Je les vois s’embrasser,
J’en croise s’enlaçant,
Des personnes âgées
Jusqu’aux adolescents ;
Couples tout enchantés
De leur bonheur récent,
De leur liesse passée,
De leur amour constant.

Mais je reste esseulée,
De plus en plus sauvage,
En regardant passer
Le temps et venir l’âge
Et mon cœur fatigué
Geint de peine et de rage
De ne pouvoir vibrer
Au penser d’un visage.

Partout à mes côtés
Fleurit l’adoration
Et je me sens poussée
Loin de ces visions,
Rebus d’humanité,
Triste abomination,
Que la félicité
Fuit avec répulsion.

Au débit, au crédit, les nombres ont succombé
Leurs étiques dépouilles gisent en triste peinture,
Dans les journaux blafards – tripes fossilisées
De l’entreprise éteinte que l’on a éventrée –
Et aux balances on voit onduler leurs lémures.