Author: Soune

Dans les corridors désertés
De mon cœur morose et meurtri,
Le vent de la mélancolie
Hurle avec impétuosité ;

Tout est brisé sous sa furie
Et sous ses assauts répétés
Les murs commencent à suinter
Des sanglots qu’il a introduits :

Tu me manques, princesse aimée,
Ma muse et ma belle égérie,
Toujours blottie en mon esprit,
Ange gardien de mes pensées !

Je voudrais connaître
L’endroit où tu vis
Sauter sur ton lit
Voir à ta fenêtre ;

Savoir ton chemin
Quand la nuit s’achève
Lorsque tu te lèves
Trop tôt le matin ;

Penser ton périple
Pour aller manger
Avant d’assister
À ces cours multiples ;

J’aimerais sentir
L’alléchant fumet
Qui sort du poulet
Quand tu le fais cuire ;

Suivre tous tes pas,
T’admirer sans cesse,
Ma belle princesse,
Et vivre avec toi.

Créant pour vingt-huit ans
Deux peuples Allemands,
Ils ont fait ériger, cruel aveu d’échec,
Coupant la ville une muraille de béton :
Nombreux sont ceux tombés qui fuyaient leur prison
Dont les parents ne purent régler les obsèques.

Il y a hui vingt ans
Survenait « le tournant » :
Des hordes opprimées, sur quelques mots d’espoir,
Partirent à l’assaut de l’enceinte gardée
Après laquelle était, enfin, la liberté,
Leurs chemises sanglantes en guise d’étendard.

J‘étais enfant le soir où je l’ai distingué.
Il était grave et beau, ténébreux et viril,
Un long trait a percé, qui l’a estropiée
De mon sein frémissant la pulsation fragile,
La lui a aliénée.

Des heures, me regardant, il parut enjôlé
Et mes fers forcissaient devant chaque sourire
Mais une autre survint qui l’a ensorcelé :
Le temps était venu où apprendre à souffrir
Et dix ans ont passé.

Il a réapparu, tendre, et m’a embrassée
Alors que surgissaient mes souvenirs perfides ;
Mais qui veux-je, à présent : celui que j’ai aimé
Ou l’homme qui me couve de son regard limpide,
Aux veines dilatées ?

L’automne arrive, ma chérie,
Sur la voûte des bois aux teintes d’émeraudes
Apparaissent des taches de nuances plus chaudes
Qui rendent le tableau exquis ;

Je te voudrais à mes côtés :
Blottie, tenant ma main, sur un tapis de mousse
A écouter tinter les fougères qui poussent
Et partager cette beauté.

Rien ici-bas n’est enchanteur
Comme ton sourire constant,
De mes yeux l’éblouissement :
Joyeux anniversaire ma fleur !

Ta voix ravive la chaleur
De mes sentiments engourdis
D’un trop-plein de mélancolie :
Joyeux anniversaire ma sœur !

Je fête en ce jour le bonheur
D’avoir toujours en mes pensées
Une exquise et précieuse fée :
Joyeux anniversaire mon cœur !

Face au caveau brûlant, je me revois, petite,
Allongée et sereine, les yeux presque fermés
Quand je m’imaginais être en sécurité
Sur ma couche d’ophite ;

Tout près des restes froids d’un grand père inconnu
J’envisageais sa voix, je supposais ses gestes,
Et je versais des larmes sur le moment funeste
Où il a disparu ;

Je le pensais présent et qui veillait sur moi
Je faisais des bouquets de tendres mots d’amour
Et je les lui soufflais dans le ciel alentour
Puisque j’avais la foi ;

Mais jusqu’entre les grilles du fief des trépassés
Qui séparent la mort des vivants qui l’exilent,
Où je croyais devoir toujours trouver asile,
J’ai été pourchassée.

Devant les os séchés de mon aïeul absent
Aujourd’hui je reviens et m’incline songeuse
Je ne suis plus sereine mais reste soucieuse
Face au caveau brûlant.

Elles s’étaient éveillées à la nouvelle lune
Le cœur brûlant et fier, l’esprit frais et serein,
Et, leur frêle chemise délacée sur leurs seins,
Par les rues d’Iziaslav, fantômes dans la brume,
Elles marchèrent à pas vif loin des parfums urbains.

Dans la nuit lumineuse par l’absence de l’astre
Sous un ciel semblant un lac de diamants,
Elles devinèrent enfin l’infini ascendant
Qui liait à leurs pieds du géant au majastre
Et elles se prosternèrent devant le firmament.

Les rameaux odorants des profondes pinèdes
S’élançaient chaque nuit en fougueux destriers,
Ou, transmuant leurs jambes en nageoire d’acier,
Elles découvraient les rites des pesants cirripèdes
Et couraient les courants qui coulent des glaciers.

Le feu leur était serf, l’eau leur était soumise ;
Le roc et l’air des vierges follement amoureux
Frôlaient leurs formes rondes aux grottes et aux cieux
Et les hommes et les femmes devant ces fleurs exquises
S’étouffaient de dépit – coupables envieux !

Un matin, dans la tendre fraîcheur de l’automne,
On enchaîna leurs mains, on fit luire le bûcher,
Les Huit montèrent les marches, souriantes, enchantées,
Et lorsque la fumée voila la foule atone,
Elles saisirent leurs pieux et les firent voler.

L’économie encore, l’économie toujours
Mais comment composer sans avoir révisé ?
Je laisse mon regard voleter à l’entour
– Ce que je me fais chier –

Les souvenirs affluent, l’an dernier déjà
Le sujet était flou et ma page était blanche :
Face à l’économie, mon cerveau est étanche
– Je veux gicler de là –

Les épaules courbées, tous sont tétanisés ;
Les gorges et les tables râlent leur agonie
Tandis que dans mes veines je sens battre la vie
– Laissez moi m’envoler –

J’ai rêvé cette nuit
D’une charge à mes bras
Qui vagissait tout bas
Une sourde harmonie
Qui accablait mon cœur
D’une tendre chaleur ;

De soyeux cheveux bruns
S’échappaient du cocon
Tressé dans du coton
Pressé contre mon sein
Et ma fille nouveau-née
S’est remise à téter.