Author: Soune

Tu voles dans les cieux
Loin des êtres de fange,
Merveilleux petit ange,
Et j’ai le coeur heureux,

Bientôt même serein :
Le bonheur se rapproche,
Fond mon âme de roche,
Puisque tu me reviens.

C‘est ta beauté, femme idéale,
Qui m’a d’abord menée vers toi :
Ta chevelure quasi sépia
D’une vigueur presque animale,

Tes yeux profonds et tes mains fines,
Ta peau des pays du levant,
Mais c’est ton sourire charmant
Qui m’a retenue, ma choupine !

Ta naïveté adorable,
Ton innocence à fleur de peau,
Ont fait vibrer comme un écho
Dans mon cynisme imperturbable.

Mon ange tout de lumière
Qui a banni ma nostalgie,
Le temps s’en va, l’amour grandit ;
Puce, joyeux anniversaire.

Le temps passe et le chagrin reste
Avec la culpabilité
Et le remords, comme une peste,
Qui ne cesse de me ronger.

Il n’est pas de prix à payer
Mais, jour après jour, la douleur
De savoir que j’ai étouffé
Les battements d’un petit coeur.

Je voudrais, quand je suis sous la voûte du ciel,
M’agenouiller sur l’humus tiède et parfumé
Et prier, adorer, un père spirituel
Patient et plein d’un amour inconditionnel :

Croire en un maître, un dieu, créateur colossal
Qui pour suivre un destin m’aurait élaborée,
Présent toujours, partout, des chapelles absidiales
Aux ténèbres mouvantes des fosses abyssales,

Du souffle de l’enfant au linceul de l’aïeul ;
Deviner l’attention, aimante et appliquée,
Qui, tendre, m’étreindrait – que je sois forte ou veule,
Oui mais le ciel est vide et muet et je suis seule.

Les nerfs à fleur de peau
Je ne peux plus dormir,
Sens la rage grandir,
Brûler jusqu’à mes os.

J’ai le coeur plein de fiel
Et le cerveau en sang ;
Des pensers torturants
Me font caractérielle.

Sous ma hargne glacée
Je sens filtrer la peine
En nappe souterraine
Qui voudrait déferler.

Pleurs de dépit honteux,
Sanglots de frustration,
Larmes d’affliction,
Venez faner mes yeux !

Lorsque la terre tremble et que les hommes meurent,
Qu’un mur d’eau engloutit, balaye une cité,
Que la famine tue, qu’un enfant est violé,
Que l’incendie s’éveille : partout où est l’horreur
Ils sont là pour nourrir et aviver la peur.

Sans cesse ils se repaissent des misères du monde ;
De leurs tours de lumière, ils guettent les fléaux,
Lorsqu’ils trouvent des corps, ils en sucent les os
Et forment ainsi massés une sordide ronde
De charognards repus d’un voyeurisme immonde.

L‘année a bien mal commencé,
Noyée dans l’incompréhension,
Des différences trop marquées
Et une étreinte sans passion ;
L’amour est une aberration.

Le quart de siècle est arrivé !
Je dois coiffer sainte Catherine,
Ma jeunesse s’en va en ruines,
On me dit bonne à marier !

Je voudrais fêter avec toi
Ma nouvelle année qui débute,
Emprisonnée dans les volutes
Des brumes de Haute-Savoie.

Chaque année de plus que je vis,
Soeur de mon coeur, coeur de mon âme,
Merveilleux petit bout de femme,
Voit mon amour pour toi grandit.

Quand le brouillard se lève sur la surface plate
Et opaque du lac, le soir enfin tombé,
Que le vent s’amenuise et caresse, éthéré,
Des rochers et des troncs les surfaces ingrates,
Crains le crabe aux sept pattes !

Son cri est mélodieux et ses yeux sont profonds
Et, ainsi les sirènes, il charme qui l’approche.
Sa carapace tranche parmi les mornes roches :
Joyau toujours changeant strié de reflets blonds,
À l’aspect vagabond ;

Il vaque dans les sables, sur les bords de ses ondes,
Humant à chaque coude, poursuivant les parfums
Qui flottent dans son tiède espace aérien,
Et il cherche la femme, élancée ou gironde,
Brune, rousse ou bien blonde.

Lorsqu’il trouve sa proie, grâce providentielle,
Il devient aussitôt l’amant omniprésent
Et selon le moment se montre épris, pressant,
Patient, tendre, amoureux, impétueux, sensuel ;
Méfie-toi, jouvencelle !

Il adapte sa voix, apparie sa cuirasse
Aux pensées de l’objet de ses vœux névrotiques :
Que l’humeur de sa belle soit gaie, mélancolique,
Il est rubis, saphir : il joue avec audace
De l’ivresse, de l’angoisse.

Ses couleurs et son chant, ses gestes et ses propos,
Sont tour à tour brillants, profonds, doux, brûlants, tendres,
Il assure à l’aimée son dessein de l’attendre
Et son gibier, dompté par un amour si beau,
S’abîme dans les eaux.

Voyant les Prophétides, leur stupre colossal,
Et révolté devant tant de dépravation,
Il décida de fuir leur débauche abyssale
En évoquant dans l’os une femme idéale ;
C’est ainsi que naquit l’œuvre de Pygmalion.

Des mois, avec ardeur, il mania le ciseau :
L’ivoire à son contact évoluait, gracile,
Sa gouge élaborait des membres sans défauts,
Ses doigts calleux frôlaient et égrisaient la peau
Tout en couvrant l’idole de larmes délébiles.

Lorsqu’enfin, fourbu par une nuit de labeur
Il tomba à genoux devant sa création,
Le souffle lui manqua en voyant la splendeur
Créée par ses travaux et il versa des pleurs
De voir inanimées tant de perfections.

Mais Junon qui passait, émue de son chagrin,
Accorda au sculpteur d’éveiller sa maîtresse :
Il embrassa – après qu’elle le lui eût enjoint –
Le front délicieux engendré par ses mains
Et Galatée ouvrit des yeux pleins de tendresse.