Author: Soune

Ce soir, la lune est pleine,
Elle charme mes yeux ;
Les frênes et les chênes
Reluisent sous ses feux.

L’air est doux et chargé
De multiples senteurs
Des jardins et des prés
Accrues par la fraîcheur

Et sous les traits que lance
Le globe qui s’enfuit
Se meuvent en silence
Les ombres de la nuit.

Ce que j’aime à sortir
Quand l’air est chaud et doux :
Qu’il est bon de sentir
Le soleil sur mes joues !

Je vais d’un pas léger
Sous les rayons d’hiver
Et me sens enchantée
De leur vive lumière ;

Puis je regarde heureuse
Les reflets vagabonds
Des primevères, nombreuses,
Parsemant le gazon.

On dit que les yeux bleus, comme les mers lointaines
Charment les cœurs des femmes qui s’égarent en leurs eaux,
Que l’âme y luit ainsi le soleil sur les flots,
Et fait naître un désir d’en être souveraine
Que l’on ne peut fléchir sans douleur ou sans peine.

S’ils sont beaux, j’aime autant les yeux couleur de pierre
Fixes assez pour que seul le spectateur patient
Suive de sa pensée les tendres battements,
Ou ceux encore de la nuance de la terre
Semblant clamer toujours des émotions sincères ;

J’admire les yeux verts, dont les reflets rappellent
Les hautes frondaisons où la brise s’enfuit ;
Mais les yeux noirs évoquent l’espace infini,
Le cosmos colossal loin au-delà du ciel,
Et portent la promesse d’une chute éternelle.

Dans le noir et le gel, triste et inconsistante
Elle cherche sans plaisir une proie à frôler,
Sous le chant des étoiles, dans la bise sifflante,
Insatiable elle va de foyer en foyer
En quête de qui tiédira son corps glacé.

Elle s’est montrée parfois, et des hommes sensibles
Touchés par sa douleur, par son hiver constant,
Lui ont offert leurs bras comme un abri paisible :
Au péril de leur vie devinrent ses amants ;
Mais ses flancs sont trop froids pour garder un enfant.

Pleurant donc sans arrêt les fruits de ses amours
Et leurs pères brisés, désormais, elle fuit
– Invisible pour tous et meurtrie pour toujours –
Des gens au cœur trop doux la tendre compagnie
Et effleure la peau des passants dans la nuit.

Un an de plus aujourd’hui :
Les mois filent et les années fuient.
Chacun murit autour de moi ;
Le cerveau rempli de compta,
Je ne vois pas passer ma vie.

L’âge vient, ne me grandit pas,
Aucune cible, aucun combat
Pour électriser mon esprit
Qui communément engourdi
Contemple la vie qui s’en va.

Au pied de l’arc en ciel,
La lumière est gelée,
Le sol semble irréel :
Le cerf ou l’hirondelle
Craignent d’y avancer.

On prétend qu’un trésor
Amassé par les nains,
Fait de montagnes d’or
Que des rubis colorent,
Y attend, souterrain.

Je suis entrée, timide,
Dans les rais cristallins
Et un pays splendide
A l’air vif et limpide
M’a entourée soudain.

Ici, les arbres chantent,
Dansent sous les nuées,
Les gemmes sont vivantes,
La brise est nourrissante,
Chacun est rassasié.

Le temps s’écoule en rondes,
En aimables propos ;
Lorsque l’orage gronde,
Dans les grottes profondes
L’on peut trouver repos

Ou admirer en liesse
Les traits prodigieux
De l’astre qui paressent
Et, diffractés sans cesse,
Relient la terre aux cieux.

Descendant des Titans et fils d’Hamadryade,
Pan arpentait les bois d’un pas toujours léger ;
Chevauchant les chevreuils, s’abreuvant aux cascades
Et d’un oeil affectueux veillant sur les bergers.

Il aimait à guetter, lors des journées torrides,
Muet et dissimulé dans l’ombre des fourrés
Les naïades plonger dans ses sources limpides
Puis s’élançant entre elles, réclamer des baisers.

Mais quand ses pas errants le menaient dans la foule,
Hommes et femmes présents perdaient soudain l’esprit
Et se jetant sur lui, ils formaient une houle
Dont restaient la plupart ou mourants ou meurtris.

Aujourd’hui, il dort, sous la forêt profonde,
Bercé par les parfums de l’humus ombragé
Et rêve à ses pastours, ou aux brunes et blondes
Qui par ses bras puissants ont été enlacées.

Dans les courants marins, lentement, il dérive
Son poids phénoménal l’attire toujours plus bas ;
Des bans de bars curieux explorent les coursives
À présent immergées du Lyubov Orlova.

Il a connu le monde, il a connu la gloire :
Les femmes gracieuses, les hommes décidés
Poursuivaient en son sein leurs plaisirs dérisoires
Pendant les trente années où il a navigué.

Bientôt, sur les fonds noirs des froides mers du nord,
Son périple achevé, il se reposera.
Les algues, les éponges, tapisseront alors
Ses coques silencieuses frôlées par les lamproies.

Ma fée, tu arpentes le monde
Il est peu de pays que tu n’aies pas foulés
Plongée en pleine glace, tout au fond de l’été,
Dans les montagnes ou sur les ondes,

Mais moi je marche dans la brume ;
Des gouttes de rosée s’accrochent à mes cils
Pendant qu’autour de moi tout est calme et tranquille
L’appel des chemins me consume.

Tes charmes conquièrent tous les coeurs
Et lorsque tu souris, chaque homme te voyant
Souhaite être ton ami, devenir ton amant :
Participer à ton bonheur

Quand, sans personne à mes côtés,
En silence je vais sur la route incertaine
Et, fantôme indistinct, rêve à la fois prochaine
Où nous pourrons nous retrouver.

Pour l’année qui commence
Je fais vœu d’une vie
A base de bon sens,
Un peu plus épanouie.

Me réveiller enfin,
Décider d’un trajet
Déployer mon chemin
Construire des projets,

Rechercher le bonheur
Ou la sérénité,
Loin des vieilles douleurs
Qui m’ont tant déchirée.