Depuis près de cent lustres, il se dresse imposant
Dans les bois primitifs où il a su grandir ;
A présent que son tronc commence de pourrir,
Il évoque serein les souvenirs d’antan.
Les arbres étaient hauts, la forêt colossale
Le silence ne troublait ses nuits ni ses jours,
Tantôt le cerf bramait ses appétits d’amours,
Tantôt le campagnol fouissait sous les étoiles
Et lorsque le crapaud, le pic ou le renard,
Ensemble interrompaient leurs courses et leurs chants,
Que le vent dans les feuilles s’arrêtait un instant
D’autres voix et babils montaient de toutes parts :
La nuit, le petit peuple sortait des galeries
Polir leurs éclats d’ambre sous les rayons de lune,
Les fées jouaient aux cimes dès qu’arrivait la brune,
Le beau peuple dansait sous les cieux assombris ;
Les esprits des ruisseaux et ceux des végétaux
Dès l’aube parcouraient sans répit leur domaine
Effleurant les fougères, enfouissant les faines,
Souriant aux goujons tapis au fond des flots.
Mais les fées sont parties et les elfes sont morts,
Les gobelins se terrent en leurs sombres terriers,
Dryades et ondins se sont étiolés,
Le peuple gnome a fui et enfoui ses trésors.
Si sa force a décru quand la magie a fui
Il persiste sans trêve à filtrer l’atmosphère,
Ses feuilles et leur humus régénèrent la terre,
Insectes et passereaux en ont fait leur abri.