Quand le brouillard se lève sur la surface plate
Et opaque du lac, le soir enfin tombé,
Que le vent s’amenuise et caresse, éthéré,
Des rochers et des troncs les surfaces ingrates,
Crains le crabe aux sept pattes !
Son cri est mélodieux et ses yeux sont profonds
Et, ainsi les sirènes, il charme qui l’approche.
Sa carapace tranche parmi les mornes roches :
Joyau toujours changeant strié de reflets blonds,
À l’aspect vagabond ;
Il vaque dans les sables, sur les bords de ses ondes,
Humant à chaque coude, poursuivant les parfums
Qui flottent dans son tiède espace aérien,
Et il cherche la femme, élancée ou gironde,
Brune, rousse ou bien blonde.
Lorsqu’il trouve sa proie, grâce providentielle,
Il devient aussitôt l’amant omniprésent
Et selon le moment se montre épris, pressant,
Patient, tendre, amoureux, impétueux, sensuel ;
Méfie-toi, jouvencelle !
Il adapte sa voix, apparie sa cuirasse
Aux pensées de l’objet de ses vœux névrotiques :
Que l’humeur de sa belle soit gaie, mélancolique,
Il est rubis, saphir : il joue avec audace
De l’ivresse, de l’angoisse.
Ses couleurs et son chant, ses gestes et ses propos,
Sont tour à tour brillants, profonds, doux, brûlants, tendres,
Il assure à l’aimée son dessein de l’attendre
Et son gibier, dompté par un amour si beau,
S’abîme dans les eaux.