La rivière serpentait par les bois et les prés
Son onde toujours claire murmurait doucement
Parfois son chant semblait un appel entraînant
Tandis qu’elle frôlait les galets, les rochers
On la disait maudite, certains soufflaient « hantée ! »
Elle était évoquée dans les anciens grimoires,
Son nom se retrouvait dans de vieilles histoires
Obscures et prenantes, et presque oubliées ;
Les gens des bourgs voisins, bien prompts à s’émouvoir
Que l’on y laisse jouer les bambins du village,
Ne se lassaient d’émettre de sinistres présages
Et répétaient que l’on y pouvait entrevoir
Un visage et des bras aussi blanc que la neige
Qui recouvrait ses bords par les mois de froidure,
Tantôt un œil d’un vert comme celui des ramures
Quand le printemps venait ressusciter ses berges,
Parfois des boucles blondes comme les blés d’été
Ou bien rousses et brunes comme les feuilles mortes
Que les vents de l’automne détachent et emportent
– Et cela en effet était la vérité.
Ses berges et son lit, son babil et ses flots
Rappelaient les sourires, évoquaient les beautés
D’une femme exaltée – depuis longtemps noyée –
Qui avait fait sa vie en bordure du ruisseau ;
L’hiver, elle admirait les flocons et le givre,
Du printemps à l’automne, elle faisait son trésor
Du soleil, de la pluie, des splendeurs de l’aurore
Et ceux qui l’approchaient sentaient sa joie de vivre.
Les siècles passant, elle fut oubliée
Pourtant les riverains qui courent ces talus
Et tirent de leur puits une eau qui vient du ru
Restent prompts à sourire et à s’émerveiller ;
Quant à l’enfant qui choit dans le lit tumultueux,
Il est hors de danger car les vagues le poussent
Jusqu’à un gué tout proche aux rocs couverts de mousse
Et sort avec un éclat neuf au fond des yeux.