Sous l’averse glacée, Mairead avait couru
Jusques aux grottes bleues, refuge temporaire,
Qui se trouvaient non loin du château de son père
A l’abri des fureurs de la Carnach en crue ;
Comme elle y grelottait, le Malin apparut.
Il surgit des parois dans un complet silence
Alors qu’elle essorait sa robe détrempée
Et ses jupons laissaient, à peine relevés,
Voir sa cheville à nu – candide impertinence
Qui exalta du traqueur la concupiscence.
Les yeux brûlants d’ardeur, il promit à sa proie
Si elle consentait à souffrir ses caresses
La jeunesse infinie, les plus grandes richesses !
Mais sans se laisser prendre aux charmes de sa voix
Elle disparu telle une biche aux abois.
De retour au foyer, son père la somma
De changer son habit, de mettre ses dentelles
D’appliquer tous ses soins à se faire plus belle
Et de venir saluer en s’inclinant bien bas
Le seigneur qu’il avait pour hôte ce jour-là.
Il était jeune et beau, son air et ses manières
Lorsqu’elle se pencha, lui souhaitant bienvenue
Le visage empourpré d’une crainte ingénue,
Etaient gracieux et calmes malgré son humeur fière
Mais un regard ardent filtrait sous ses paupières ;
Et alors que son père lui exposait son vœu
De l’unir à cet homme qui la voulait pour femme
Elle aperçu dans ses yeux durs l’abjecte flamme
Qui des enfers brûlants alimenta les feux,
Reconnu le démon sous la beauté d’un dieu.
Elle adjura longtemps, supplia sans répit,
Mais ses membres tremblants, sa voix rauque de pleurs
Ne firent pas dévier le choix de son tuteur
Qui craignant à raison qu’elle ne s’enfuie
La cloîtra jusqu’au jour de la cérémonie.
L’éther était limpide, le firmament radieux
L’heure précédant l’aube de l’union terrible ;
La vierge se dressa, les deux mains sur sa bible
Après avoir prié murmura un adieu
Et l’on crut voir un ange tomber jusques aux cieux.
Les décennies ont fui, des siècles ont coulé,
Le castel déserté est à présent en ruine
Mais dans les rocs fendus où fleurit la glycine
On peut quand le vent tombe entendre soupirer
Mélancoliquement la chaste fiancée.