Dites-moi que mon cœur est brisé et se meurt
Dites-moi que mon être succombe sous la douleur
Et je l’approuverai ; je souffre trop pour nier.
Dites-moi en revanche que le monde est beauté,
Que tous ses éléments sont d’exquises splendeurs,
Que l’âme se délecte de toutes ces couleurs,
Ces odeurs et ces tons éphémères et changeants,
Toujours beaux par la pluie, le soleil et le vent,
Et je vous répondrai : « si l’âme humaine adore
Les cieux infinis d’azur, de jais ou d’or,
Si elle est en extase lorsqu’elle sent les parfums
Suaves ou frais de la pluie qui tombe en un jardin,
Et si elle s’émerveille des desseins gracieux
Que provoque à l’entour l’air mouvant dans les cieux
Dans les ramures des arbres ou dans les champs dorés,
À la surface des lacs ou des plaines enneigées,
Le soleil me meurtrit car il brûle mes yeux ;
La pluie n’insuffle en moi qu’un chagrin pernicieux,
Le vent, quand il me frôle, je le trouve glacial.
Que m’importent les merveilles qu’à eux tous ils dévoilent ?
Si l’âme humaine adore ces splendeurs obscurcies
Dans le cloaque qu’est à présent mon esprit,
Je ne suis pas humaine, ou mon âme brisée
Rompue par la douleur a fui ou trépassé. »